Homélie prononcée lors de la célébration des obsèques.
Alain était un prêtre, c’est-à-dire un croyant !
Entre nous soit dit, les prêtres n’en savent pas plus que les autres sur le mystère de Dieu ils n’ont pas bénéficié de révélations spéciales qui feraient d’eux des personnes qui savent alors que les autres ne feraient que croire ! Les prêtres sont des croyants dont la vie est éclairée à la lumière de la Parole.
Un croyant, c’est à dire quelqu’un qui a vu la manifestation de la vérité de la vie dans la personne de Jésus, quelqu’un qui dès aujourd’hui dans le quotidien de son existence voit s’accomplir le Mystère de la vie donnée, le mystère de l’amour plus fort que la mort, le mystère de l’affrontement de la vérité et du mensonge dont nous parle chaque page des Ecritures. Un croyant c’est celui qui a entendu de ses oreilles, contemplé de ses yeux et touché de ses mains la vérité des Béatitudes, la vérité de la Parabole du grain qui meurt ou du bon samaritain qui toutes réfractent chacune à sa manière la vérité de l’existence de Jésus et des prophètes qui l’ont précédé.
Celui à qui cela arrive, celui dont l’existence a été éclairée à cette lumière devient un passionné de la vie pour qui chaque instant de l’existence devient une nouvelle page de l’Ecriture. Et c’est bien le témoignage de cette passion qu’Alain nous a donné jusque dans les dernières semaines de sa vie quand il s’était lancé à la découverte de la ville d’Ivry et de ses habitants avec la même passion et la même curiosité qu’il s’était lancé près de quarante plus tôt à la découverte de la ville de Fontenay-sous-Bois.
Pour Alain annoncer l’Evangile c’était communiquer cette passion de vivre à la suite de Jésus-Christ, c’était faire vivre l’Eglise comme la communauté où, à l’écoute de la Parole dans la célébration liturgique, la prière et le partage de vie, cette passion prend possession de chacun et lui révèle des possibilités de vie inouïes qui vont au-delà de tout ce qu’il pouvait imaginer.
C’était son côté provoquant, parfois dérangeant pour faire apparaître des possibilités nouvelles, lancer des projets originaux, ne pas s’habituer à la médiocrité. Parfois c’était même énervant cette manière de dire « Je me suis demandé si …» et de développer un projet inattendu parfois très prometteur, parfois aussi il faut bien le dire complètement utopique et irréalisable. Il nous prenait la tête avec sa dernière lubie alors qu’on avait déjà tellement à faire. Mais même si ça prenait parfois une tournure un peu caricaturale c’était bien plus profondément le témoignage de sa confiance dans la générosité du mystère de la vie telle qu’il se révèle à nous en Jésus-Christ.
C’est de cette même confiance que nous parle le récit évangélique que nous venons d’entendre : la pauvre femme dont la fille est accablée par un mauvais esprit vient à Jésus pour qu’il la soulage. Jésus fait la sourde oreille, et résiste à ses disciples par cette phrase terrible « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël », puis résiste à la femme elle-même par cette phrase encore plus terrible
« Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »
Et à cette phrase terrible la femme rétorque « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Disant cela, elle ne se pose pas en victime d’une injustice ; elle ne reproche pas à Jésus ce qui peut apparaître comme une terrible insensibilité, une terrible dureté de cœur !
Non au lieu de cela elle dit à Jésus que le mystère de la grâce de Dieu est tellement débordant qu’il n’y a pas de raison de le restreindre. Elle fait confiance dans la générosité du mouvement de la vie ! Et c’est en cela que sa foi est grande !
Elle manifeste ainsi qu’elle a réellement compris qui est Jésus : celui annonce et met en œuvre le débordement du mouvement de la grâce, le débordement du mouvement de la vie qui dépasse nos attentes et nos prévisions. Et c’est pour cela que l’inattendu, la nouveauté du Royaume de Dieu peut se manifester dans sa vie.
S’il est une page de l’Ecriture dont Alain a été le témoin, je crois que c’est celle-là !
P. Henri-Jerôme Gageay
Vicaire général – diocèse du Créteil