Voici un témoignage sur une mission méconnue et discrète, aumônier hospitalier et visiteur des personnes malades et souffrantes.
Interview.


Joanne Kwasek, pour le Diocèse de Laval, est missionnée par l’Evêque pour la responsabilité diocésaine des aumôneries hospitalières. Depuis la loi sur la laïcité (1905), l’aumônerie d’hôpital est un service d’Eglise au cœur de l’institution hospitalière. Son travail : être au service des aumôniers pour les formations, leur soutien, les entretiens annuels, les rencontres avec les directions, les rapports d’activités ; être attentif aux évolutions des lois et au discernement des candidats… L’aumônier, missionné par l’Evêque, est  recruté par l’hôpital, au nom et pour le culte qu’il représente. Ce qui signifie que l’aumônerie est service d’hôpital (devant faire des rapports d’activités et des projets de service) et non association. Cette fonction était remplie auparavant par des prêtres, elle est maintenant souvent assurée par des laïcs. Les aumôniers formés spécialement, animent une équipe de bénévoles. Sans eux, ce service ne peut exister : ils portent la communion aux malades, aux personnes âgées résidant dans les EHPAD des hôpitaux, les convoient vers le lieu de culte, font des visites… ils sont un soutien indispensable.
Sa deuxième mission est d’être aumônier dans un Centre hospitalier

Qu’est-ce que la pastorale de la santé ? Quelles sont ses missions ?

La Pastorale de la santé comprend trois «branches » : les aumôneries hospitalières, le service évangélique des malades (à domicile et dans les EHPAD privés) et la pastorale des personnes handicapées. Ces trois instances sont coordonnées par la déléguée épiscopale à la pastorale de la Santé, Mme Frédérique Lucas ; comme son titre l’indique, elle est déléguée par l’évêque pour les questions qui touchent à la santé, l’accompagnement des personnes malades, âgées ou handicapées.

Les missions de la pastorale de la Santé sont exactement dans l’Evangile de Matthieu, chapitre 25, verset 36 «  j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! »
Et versets 39 et 40 : « Tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

En pratique, des équipes de bénévoles formés visitent les malades, les personnes âgées et les personnes handicapées, pour un temps de présence, un temps de prière, porter la communion.
Il est évident que cela nécessite du monde, et nous accueillons volontiers les personnes désireuses de rendre ce service (avec un temps de discernement) et prêtes à donner du temps d’abord pour se former, puis se rendre auprès des personnes âgées, malades ou handicapées.

Vous êtes présents sous forme d’aumôneries dans certains hôpitaux. Que vous demandent les personnes que vous rencontrez ?

Les familles demandent souvent, dans l’urgence « l’extrême onction ». Celui-ci n’existe plus depuis Vatican II : ce sont maintenant « les sacrements pour les malades » (voir le rituel), qui incluent : la visite, la communion, l’onction, le viatique.
L’onction des malades est un sacrement de Force pour ce moment difficile. Nous le proposons régulièrement. Quand il est demandé, nous organisons cette célébration en lien avec la famille, quand cela est possible et avec le service.

Nous proposons également de recevoir la communion. C’est souvent une surprise car les personnes hospitalisées ne pensent pas que cela soit possible et donc n’osent pas demander.
La plupart du temps,  il n’y a pas de demande précise. Ainsi notre mission première est la visite fraternelle : rejoindre la personne là où elle en est.
La personne visitée sent notre disponibilité du cœur et de l’esprit. Que nous la respectons, qu’il n’y a aucun jugement de notre part. C’est une démarche en vérité, où l’on va à l‘essentiel : rien à prouver.  Le simple fait d’écouter permet à certaines personnes de cheminer, de trouver du sens… la personne sait qu’elle existe, qu’elle « a du prix » et qu’elle a pouvoir de poursuivre sa route.

Parfois, seul le regard devient échange.
Et si la personne est chrétienne, oser une parole, oser la proposition d’un sacrement… « qu’ainsi le monde puisse connaître que c’est toi qui m’as envoyé et que tu les aimes comme tu m’as aimé »Jn 17,21-23
S’il n’est pas possible de prier avec le malade, nous prions pour lui dans notre cœur.

Ce temps à l’hôpital peut engager à une nouvelle reconstruction et unification. Elle peut aussi aider la personne à discerner dans sa vie ce qui n’est pas essentiel pour se tourner vers ce qui l’est : un retour vers Dieu. (DS 1717)
Proposer la rencontre avec Jésus n’est sans doute pas si facile dans ces lieux où la souffrance, la douleur et l’angoisse sont si prégnants.

Quelles sont selon vous les points importants pour aller à la rencontre des personnes ?

Comme vous le dites, la maladie, l’âge, viennent bousculer tous les repères de la personne. Elle est atteinte dans tous les domaines de son existence: le relationnel, le social, le physique, le psychique et le religieux. Elle est atteinte dans son humanité globale : corps, cœur, esprit, âme. Ce séjour en hôpital ou en maison de retraite signifie souvent solitude, notion du temps autre, interrogations, doutes, recherche de sens, aucune activité, repliement sur soi, angoisse, révolte contre Dieu.

Avant de commencer une mission, il faut se poser les questions sur le pourquoi d’une telle démarche de ma part : obligation de chrétien ? Est-ce que l’on fait ces visites pour soi ou pour le malade ?… Le sentiment qui nous habite de porter la paix du Christ sera perçu par-delà nos paroles et gestes. Cette démarche implique une préparation : avant tout, je commence par me poser, par m’asseoir pour me libérer du quotidien, pour me rendre disponible d’esprit. Déposer mes soucis, faire silence, ouvrir mon cœur.

Puis je m’apprête, je mets mon badge qui m’identifie, et dit la prière des visiteurs dont voici un extrait : « A l’heure où tu m’envoies, je t’adresse cette prière : habite-moi Seigneur, efface-moi en toi, rends-moi transparent à ta présence et apprends-moi à être le sourire de ta bonté, car à travers moi c’est toi qu’au fond d’eux-mêmes ils peuvent rencontrer. Inspire-moi l’attitude à prendre les paroles à dire et les silences à observer. Apprends-moi à les écouter et  oser leur tenir la main, alors je serais pour eux un chemin qui conduit vers toi. »
Le visiteur doit être disponible, discret (nous sommes en milieu hospitalier et donc tenu à la confidentialité), neutre, savoir se positionner physiquement, s’engager dans la durée, garder la juste distance, pas de prosélytisme, ne pas se mettre à la place de la personne.
La rencontre ne s’arrête pas quand la visite se termine : nous faisons partie d’une équipe et donc savoir passer le relais si cela devient trop difficile, savoir faire le point, prier ensemble pour toutes ces personnes.

Et pour pouvoir vivre et proposer tout cela, Il faut donc des repères (la seule bonne volonté ne suffit pas) : comment entrer en relation avec cet autre, qui est mon frère ? Comment entrer en relation avec cet Autre, qui est mon Père ? « La formation des fidèles laïcs a comme objectif fondamentale la découverte toujours plus claire de leur vocation personnelle…» Christifideles laïci  chapitre 5.

Auriez-vous quelques témoignages à nous donner sur ce que votre présence a entraîné ?

– Celui de cette femme de 40 ans qui est hospitalisée pour un cancer en stade terminal. L’aumônier la visite depuis déjà un certain temps. Puis elle lui propose de recevoir l’onction des malades.
La dame ne lui répond pas tout de suite, puis lui dit que sa petite fille se prépare pour sa première communion. Quelque jours plus tard elle fait appeler l’aumônier et lui demande s’il est possible qu’elle se fasse baptiser. Après consultation des infirmiers, il s’avère qu’il faut faire assez vite. L’aumônier a demandé au prêtre de la paroisse s’il pouvait préparer cette personne. Cette dame est baptisée 3 semaines plus tard et fait en même temps sa première communion. Elle décèdera 3 jours après.

– Ce monsieur, en soins palliatifs. Il dit à l’aumônier qu’il n’est pas croyant mais veut bien qu’elle le visite. Chaque semaine, celle-ci va le voir. Trois mois passent. A la dernière visite de celle-ci, il est seul et il lui dit : « Ah, vous voilà, je vous attendais » et il expire.

– L’aumônier est appelé aux urgences pour une dame de 75 ans. Elle est inconsciente et intubée. Toute la famille est là, autour d’elle. Ils demandent qu’un prêtre passe, mais dans cette ville, le seul prêtre de 80 ans ne se déplace plus la nuit. L’aumônier propose une prière de recommandation, qui est acceptée. Elle fait la prière et à la fin de celle-ci, l’urgentiste désintube la personne en disant que ce sera bientôt fini.
Le lendemain, l’aumônier va demander des nouvelles au service des urgences.
« Qu’est-ce que vous avez fait hier ? On avait préparé la salle au funé et en fin de compte, on l’a montée en service Médecine. »
Surprise, l’aumônier va dans ce service, toque à la porte de la chambre. En entrant, elle trouve la dame complètement remise. Elle se présente et la dame lui dit : «  je ne vous connais pas mais je reconnais votre voix. Si tout va bien, je sors dans quelques jours. »

Qu’est-ce que cette mission vous apprend sur la souffrance humaine ?

Le premier lieu de formation est notre propre vie. C’est là que l’on apprend que l’on doit laisser Marie et Jésus visiter nos épreuves, nos joies, notre vie…car sinon, quand on visite, comment allez vers les autres ? Comment accueillir Marie et Jésus dans l’autre ?

Devenir aumônier a été pour moi très « décapant ». Il m’a fallu accepter que je puisse moi-même devenir une de ces personnes malades et/ou âgées. Une personne complètement dépendante des autres. Il m’a fallu aussi faire le point sur ma propre mort.

Parfois une personne visitée me dira : « je ne crois pas…vous n’avez sûrement pas de temps pour moi » et je lui réponds : «Mais, Madame, je n’ai pas à vous juger, je suis simplement là pour vous. » Combien de fois je ressors d’une chambre en n’ayant rien dit, et en recevant des sourires, des MERCI, des « revenez ». Quelles leçons d’humilité !
Parfois nous accompagnons des personnes en fin de vie qui sont totalement déjà en Dieu. Quelles leçons de confiance, d’abandon en Dieu, de paix. Oui, les malades nous évangélisent.
Je ne suis absolument pas la même personne qui a commencé cette mission il y a maintenant 10 ans. Et je ne peux qu’en remercier le Seigneur. Mon amour pour lui a mûri, s’est approfondi.

Nous devons avoir foi dans le mystère de l’action de l’Esprit Saint en la personne visitée. Nous devons avoir foi que l’onction des malades ne s’arrête pas à la célébration : plus que le corps, Jésus touche l’âme de la personne et y opère de secrètes transformations, que ce soit pour la personne elle-même, les personnes ayant assisté, les autres malades, les soignants du service. Ce sacrement se diffuse.

Pour terminer, que voudriez-vous dire à nos lecteurs plus particulièrement à ceux qui souffrent et sont malades ?

N’hésitez pas à contacter le service d’aumônerie du lieu où vous êtes. N’hésitez pas à signaler les personnes hospitalisées de votre connaissance qui aimeraient recevoir notre visite.

Ensemble, nous portons beaucoup de fruits (Jn 15-16) Jésus est le Chemin, la vérité et la vie : plus vous êtes unis à lui, plus la vie est simplifiée car Jésus marche toujours à côté de nous. Nous avons, en Mayenne, Notre Dame de Pontmain. Et son message est : « Mais priez mes enfants, Dieu, vous exaucera en peu de temps. »